L'Art Nouveau en Italie est généralement appelé le style Liberty. Il a été influencé en même temps par l'Art Nouveau français et par la Sécession Viennoise. N'oublions pas qu'une grande partie du nord de l'Italie a été sous domination autrichienne jusqu'en 1860. Le style Liberty n'a donc rien d'unitaire mais présente des déclinaisons très variées selon les régions et les artistes.
Un des monuments les plus emblématiques de l'influence de la Sécession Viennoise est l'ensemble thermal de Salsomaggiore. Salsomaggiore est une petite station thermale située à 10 km à l'ouest de Parme. Les eaux, très riches en sels de sodium sont connues depuis les romains, mais il faut attendre 1839 pour que Lorenzo Berzieri, médecin local, précise la composition des eaux et en tire un intérêt médical. La Belle Epoque est l'âge d'or des stations thermales et Salsomaggiore ne déroge pas à la règle. Dès 1900, on projette la construction d'un grand établissement thermal et en 1912, les travaux débutent sous la direction de Ugo Giusti (1880-1928). Cet architecte s'est essentiellement distingué dans la restauration ou l'embellissement de thermes, comme à Montecatini. Giusti se fit aider d'un ingénieur nommé Giulio Bernardini.
La Première Guerre Mondiale interrompt les travaux. Ils reprennent en 1919 et le 27 mai 1923, les Thermes Berzieri sont inaugurés.
La décoration intérieure est confiée à Galileo Chini et Giuseppe Moroni. Le second, n'est guère cité que pour quelques fresques alors que le premier, ami de Giusti, est un immense artiste, hélas peu connu en France, considéré comme le pionnier du style Liberty en Toscane.
Galileo Andrea Maria Chini est né en 1873 dans une famille modeste de Florence. Il suit des cours de décoration tout en étant ouvrier dans une usine de produits chimiques. En 1896 il crée avec d'autres la manufacture Arte Della Ceramica. En même temps, il exécute des fresques dans la ville de San Miniato.
La Première Guerre Mondiale interrompt les travaux. Ils reprennent en 1919 et le 27 mai 1923, les Thermes Berzieri sont inaugurés.
La décoration intérieure est confiée à Galileo Chini et Giuseppe Moroni. Le second, n'est guère cité que pour quelques fresques alors que le premier, ami de Giusti, est un immense artiste, hélas peu connu en France, considéré comme le pionnier du style Liberty en Toscane.
Galileo Andrea Maria Chini est né en 1873 dans une famille modeste de Florence. Il suit des cours de décoration tout en étant ouvrier dans une usine de produits chimiques. En 1896 il crée avec d'autres la manufacture Arte Della Ceramica. En même temps, il exécute des fresques dans la ville de San Miniato.
Allégorie de la Peinture. Huile sur carton, 1895.
Nature Morte. Huile sur toile. Avant 1900.
Toute sa vie, il créera des cartons pour des décorations de céramiques et des modèles de vases, d'une élégance rarement atteinte. Ses travaux de céramique lui vaudront de nombreuses récompenses dans les Expositions Universelles de ces années-là.
Vase aux Nénuphars. Céramique, 1898.
Coupe aux Lis blancs. Céramique, 1898.
Vase aux Feuilles et Palmettes. Céramique, 1898.
Vases aux Œillets. Céramique, 1899.
Vase à décor floral. Céramique, vers 1900.
Carreau à décor de Paon. Panneau de céramique
émaillée et irisée, 1900.
Vase aux Poissons. Céramique, 1900.
Vase aux Tulipes. Céramique, vers 1900.
Vase. Céramique, 1902-1904.
Vase aux Fleurs et Papillon. Céramique, 1920.
Il produit aussi des pièces en grès, comme ce Vase allongé, dont le dessin est à l'imitation des pièces de majolique du XVIème siècle et qui date du tout début des années 20.
Il peint aussi de nombreux tableaux de chevalet aux sujets très variés. Il est, à cette époque très influencé par le symbolisme d'un Gaetano Previati (1852-1920) ou d'un Giovanni Segantini (1858-1899), peintres sur lesquels je reviendrai.
Le Froid. Huile sur toile, 1904. Sur la gauche,
un autoportrait de l'artiste.
Paysage. Huile sur toile, 1905.
Trois photographies de Galileo Chini vers 1905.
L'Annonciation. Huile sur panneau, 1906.
Icare. Huile sur toile, 1907.
En 1904, en désaccord avec la direction de la manufacture Arte Della Ceramica, il quitte l'entreprise et fonde avec son cousin la Fornaci di San Lorenzo, entreprise de design qui crée des céramiques, des vitraux, des meubles.
Verrière, 1908.
Pendant cette période il exécute des fresques pour différentes églises et des hôtels comme dans la station thermale de Montecatini. dans les fresque de la chapelle du cimetière d'Antella (à côté de Florence), Chini s'oriente vers un art plus monumental, inspiré par l'art byzantin mais aussi par La Sécession Viennoise et notamment les mosaïques de Koloman Moser (1868-1918) dans l'Eglise du Steinhof de Vienne, construite par Otto Wagner (1905-1907).
Koloman Moser. Mosaïques du Steinhof.
Galileo Chini. Fresque de la chapelle du
cimetière d'Antella. 1911.
Entre 1908 et 1911, Chini est professeur de décoration à l'Académie Royale des Beaux-arts de Rome.
En 1910, le roi de Siam (Thaïlande actuelle) Rama V (1853-1910), le grand modernisateur de son pays, est frappé par ses œuvres et l'invite à travailler à Bangkok.
En 1911, il collabore avec l'architecte Ugo Guisti, qui est un ami proche, à la construction du Pavillon de la Toscane pour l'Exposition Internationale de Rome.
Le Typhon. Aquarelle, 1911.
Lorsque Chini arrive à Bangkok, c'est Rama VI (1881-1925) qui l'accueille. Durant de séjour, le peintre exécute des fresques dans la Salle du Trône et des portraits de cour.
Fresque de la Salle du Trône du palais
de Bangkok. 1911-1912.
Chini, outre ses activités officielles, a peint de nombreux tableaux ayant trait aux paysages ou à la vie thaïlandaise entre 1911 et 1913.
Paysage de Bangkok.
Danseuse nue.
Une fête à Bangkok.
Photographie de Galileo Chini en costume thaïlandais. 1912.
Lorsqu'il rentre en Italie, en 1913, Chini rapporte non seulement un grand nombre de tableaux qui sont exposés l'année suivante à la Biennale de Venise, mais aussi des antiquités qu'il lègue aussitôt à des institutions officielles.
A partir de 1914, son style se ressent de l'influence de Gustav Klimt, mais aussi, peut-être du vénitien Vittorio Zecchin (1878-1947) qui, entre 1909 et 1914 a produit toute une série d'œuvres inspirées par la période décorative de Klimt aussi bien que par Jan Toorop.
Vittorio Zecchin. Salomé I. Huile sur toile, vers 1910.
Vittorio Zecchin. Salomé II. Huile sur toile, vers 1910.
Vittorio Zecchi. Printemps. Huile sur panneau, 1909.
Vittorio Zecchin. Les Mille et une Nuits.
Huile sur panneau. 1909.
Vittorio Zecchin. Anges.
A partir de 1916 Vittorio Zecchin s'orientera davantage vers le dessin pour les verreries de Murano. Il deviendra directeur de la manufacture Cappellin-Venini en 1921.
Deux modèles de Zecchin.
Vase. Verre soufflé polychrome, 1914.
En collaboration avec Umberto Bellotto. Vase en verre
à monture de fer battu. 1918.
Le style très décoratif que va employer alors Chini va lui valoir de nombreuses commandes pour la décoration d'hôtels et de thermes. C'est à cette période qu'il commence à travailler sur les fresques des Thermes Berzieri mais aussi au Palais des Congrès de Salsomaggiore.
Fresques du Palais des Congrès (détail), Salsomaggiore.
Les grands panneaux représentant le Printemps sont particulièrement caractéristique de la manière de Chini à cette période charnière dans sa production. la composition totale mesure 4 mètres de long sur 2 mètres de haut. Quatre des panneaux ont appartenu au réalisateur Lucchino Visconti (grand collectionneur des œuvres de Chini), qui en à fait dont à un musée. Le reste est réparti dans des collections privées.
Le Printemps. Tempera et huile sur panneau. 1914.
Le Printemps Classique. Tempera et huile sur
panneau. 1914.
Le Printemps. Huile et tempéra sur panneau. 1914
Le Printemps. Huile et tempera sur panneau, 1914.
Entre 1915 et 1938, Chini va enseigner dans diverses institutions universitaires.
Après la Première Guerre Mondiale, il se sent obligé de faire une série de quatre grands panneaux baptisés Glorification de la Guerre et de la Victoire qui seront exposés à la Biennale de Venise en 1920.
La Glorification de l'Aviateur. Tempéra et
pastel sur panneau.
Cette glorification liée à une boucherie (la Bataille de Caporetto en 1917 fût terrible) est liée à des circonstances particulières. Tous les artistes italiens étaient peu ou prou influencés par les Manifestes Futuristes de Marinetti (1876-1944) qui exaltent le bellicisme et l'amour de la guerre : Nous voulons glorifier la guerre — seule hygiène du monde — le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent et le mépris de la femme (1909).
Contrairement à ce qu'on peut lire parfois, Chini a peu été influencé par l'Art Déco mais davantage par la Wiener Werkstätte. Il suffit de regarder les puttis qui décorent les carreaux de céramiques des thermes de Montecatini (1923).
Dans ce domaine, il a beaucoup participer à la décoration de maisons particulières comme à Viareggio, station balnéaire située à une trentaine de kilomètres au nord de Pise.
Chini s'est aussi intéressé à la décoration de théâtre. Il a collaborer avec Giacomo Puccini (1858-1924), notamment pour la mise en scène du dernier opéra du compositeur, Turandot (1924).
Projet de mise en scène pour l'Acte II de Turandot.
Aquarelle, 1924.
L'arrivée au pouvoir de Mussolini ne change rien à l'activité de l'artiste. Cependant, avec l'âge et avec la seconde Guerre Mondiale, Chini devient moins actif. Ayant perdu une grande partie de sa vision, il meurt en 1956 à Florence.
Les fresques des Thermes Berzieri constituent certainement le sommet de son œuvre de fresquiste.
Le bâtiment est constituée d'un édifice central encadré par deux tours et flanqués de deux pavillons plus bas.
La décoration de la façade est pour le moins hétéroclite. Pour être gentil, disons éclectique. Le péristyle et la corniche sont ornés de têtes de lions dues à Francesco Aloisi (je n'ai pas d'autres précisions sur cet artiste). Les deux lions qui encadre les grandes lettres, ils sont de caractère nettement asiatique, tout comme le toit du péristyle recouvert de tuiles vernissées. Il est évident que Galileo Chini, qui venait de rentrer de Thaïlande n'y est pas étranger.
Aux extrémités du pavillons centrales ont été installées des danseuses en bas relief polychrome. Elles présentent, elles aussi un fort caractère exotique, proche du tableau de Chini que j'ai présenté plus haut.
Les pilastres et les différentes corniches ornant les murs son évoquent aussi bien l'art sassanide qu'un exotisme très XIXème siècle.
L'atrium ornée de marbres et de stucs, est peint de fresques dues à Giuseppe Moroni. La plus grande partie est formée d'entrelacs qui évoquent des reliefs de stucs en trompe-l'œil. Les colonnes
Les baies de l'atrium, tout comme le plafond sont ornées de verrières fabriquées par la manufacture de Chini, la Fornaci di San Lorenzo.
La grande fresque de Moroni qui domine l'atrium semble représenter la toilette de Vénus. De part et d'autres des serviteurs amènent des présents, sous forme d'animaux ou de produits divers. Les pilastres rythme la composition et en font un triptyque. On est frappé par la monumentalité des figures (mais aussi un peu la raideur) et la symétrie de la composition qui, à l'évidence, ont été inspirées par Ferdinand Hodler ou Koloman Moser.
La figure centrale de Vénus est presque une copie du personnage central de La Vérité II de Ferdinand Hodler les deux mains levées.
Ferdinand Hodler. La Vérité II. Huile sur toile, 1903.
De part et d'autre de cette partie centrale, Moroni a représenté une procession de porteuses d'offandes dans des attitudes hiératique qui évoquent, très librement, la Frise Beethoven de Klimt.
C'est dans le vaste escalier des thermes que Chini a peint ses fresques.
Vue générale de l'escalier. Verrières de la
manufacture Fornaci di San Lorenzo.
Vue générale des deux fresques de Galileo Chini.
Vue totale de la fresque droite.
On peut constater que la fresque se déroule en deux registres, un registre supérieur formée de deux femmes couchées sur un lit de fleurs et un registre inférieur formée par deux arbres imaginaires qui naissent de jeunes gens plus ou moins androgyne. La fresque gauche est son exact pendant.
La composition des deux fresques est assez peu satisfaisante car la liaison entre les deux registres est très artificielle. En fait le projet initial était beaucoup plus élégante. Ce n'était pas deux femmes mais trois dans des poses beaucoup plus variées qu'avaient prévues le peintre. Il semble que la modification soit liée à la durée des travaux de construction.
Carton de la fresque droite. Aquarelle sur papier.
Détails de la fresque droite.
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