Nous allons continuer notre promenade artistique dans l'extraordinaire Villa Majorelle en continuant de faire connaissance avec les artistes qui y ont œuvré.
Photographie d'Alexandre Bigot.
Son entreprise comptera jusqu'à 150 ouvriers. En 1900, il reçoit le Grand Prix de l'Exposition Universelle de Paris.
Il travaille avec les plus grands architectes. Son œuvre se divise entre des pièces décoratives (vases, encriers) qu'il réalise souvent en collaboration avec des orfèvres ou des dinandiers et des grands décors architecturaux de façade ou d'intérieur.
Vase. Grès flammé et monture en argent, 1899.
Vase. Grès flammé à monture en argent.
Encrier. Grès polychrome à monture d'argent, 1899.
Encrier. Grès à monture d'étain, 1903.
Encrier. Grès à monture de bronze doré, 1905.
Gourde. Grès flammé.
Dans une série de pièces de petite taille présentées dans le catalogue de l'Exposition Universelle de 1900, on perçoit nettement l'influence de Jean Carriès.
Hibou sur un Crâne. Grès, 1900.
Combat d'un Crapaud et d'une Salamandre. Grès, 1900.
Babouin assis. Grès, 1900.
Dans son travail architectural, il a beaucoup collaboré avec l'architecte d'origine lyonnaise Jules Lavirotte (1864-1929). Les premiers immeubles construits par Lavirotte présente une exubérance décorative unique dans l'Art Nouveau en France avec des mélanges de végétaux, d'animaux et de figures érotiques. Les deux immeubles les plus connus issus de leur travail commun sont, d'une part l'Immeuble Lavirotte, avenue Rapp et, d'autre part, le Ceramic Hôtel.
Immeuble de rapport, avenue Rapp.
Vue générale de la façade, récompensée
lors du concours de façade en 1901. 1899-1901.
Immeuble de rapport, avenue Rapp, Paris.
Détails de la décoration de façade. 1899-1901.
Ceramic Hôtel, Paris. Vue générale de la façade. 1904.
Ceramic Hôtel, Paris. Détails de la façade. 1904.
Il a aussi collaboré avec Anatole de Baudot et Hector Guimard au Castel-Béranger, mais je reviendrais sur ce bâtiment lorsque je parlerai de Guimard.
Avec Anatole de Bodaut (1834-1915), il a travaillé à St-Jean-de-Montmartre dont j'ai déjà parlé mais il aussi collaboré à la décoration du Théâtre de Tulle. Les travaux se sont étalés de 1899 à 1902 sous la direction de Joseph Aubery, l'architecte local et Anatole de Bodaut. C'est la première fois qu'on utilise un voile de béton pour recouvrir une salle. Bigot crée une décoration beaucoup plus sobre, presque classique, que pour les immeubles de Lavirotte, même si on retrouve l'inspiration orientalisante qu'on a à St-Jean-de-Montmartre.
Théâtre de Tulle. Vue générale. 1899-1902.
Théâtre de Tulle. Détails de la décoration de Bigot.
Il cesse son activité en 1914 et devient conseiller technique auprès des entreprises de céramiques industrielles. Il meurt à Paris en 1927.
Les vitraux de la villa ont été exécutés par Jacques Grüber. Jacques Grüber est en né en 1870 en Alsace. Il suit les cours de l'Ecole des Beaux-Arts de Nancy puis à Paris, devient l'élève de Gustave Moreau.
Il revient à Nancy en 1893 et enseigne aux Beaux-Arts.
Photographie de Jacques Grüber.
A cette période, il dessine des vases pour les frères Daum et des meubles pour Louis Majorelle.
Grüber et Daum. Vase Incarnation Crépusculaire, 1893.
Grüber et Daum. Vase Tristan et Iseut, 1897.
Grüber et Daum. Vases aux Clématites.
Grüber. Vase aux ombelles. Grès cérame, 1904.
Grüber et Majorelle. Coffret-Souvenir. 1897.
Jacques Grüber ouvre un atelier de verrerie en 1897 et à partir de 1900, il se consacre essentiellement à cette activité.
Deux projets de verrières. Aquarelle, vers 1900-1910.
Verrière de la mairie d'Euville, Lorraine. 1904-1906.
Verrière du Crédit Lyonnais, Nancy. 1901.
Verrière du Grand Hôtel, Mexico, 1910.
Verrière pour un jardin d'hiver. 1901.
Coloquintes et Nymphéas. 1906.
Paysage des Vosges. Vers 1910.
Verrière. 1906.
Porte fenêtre aux Iris jaunes.
Verrière pour une véranda, Les Paons. 1904.
Détail de la verrière Les Paons.
S'il est moins connu que d'autres grand créateurs de cette époque, Alexandre Charpentier est pourtant considérer comme un des grands rénovateurs des arts décoratifs durant l'Art Nouveau.
Il est né en 1856 à Paris. Fils d'ouvrier, il entre très jeune comme apprenti chez un joailler puis chez un médailleur. De 1871 à 1876, il est élève aux Beaux-Arts. Une de ses statues est achetée en 1879 par Alexandre Dumas Fils. Ami de Constantin Meunier, il fréquente la bohème artistique et littéraire.
En 1883, l'état lui achète son bas relief Jeune Mère Allaitante.
Jeune Mère Allaitante. Grès cérame, 1882.
Suite à cet achat, Charpentier produit de nombreuses médailles à l'effigie de personnalités célèbres mais aussi quelques monuments.
Les Boulangères. Bas relief en grès cérame polychrome.
Square Scipion, Paris, 1897.
A partir de 1893, il commence la production d'objet utilitaire, mais esthétiquement très recherchée car dit il, "il veut des objets usuels qui soient des œuvres d'art".
Pot à tisane. Etain, Vers 1895.
Armoire à layettes. Bois et métal argenté, 1893.
Encrier. Bronze.
Durant cette décennie, Charpentier va aussi donner quelques affiches et des couvertures de livre, notamment pour Sonatines Sentimentales, un recueil de mélodies du au compositeur Gabriel Fabre (1851-1931), très réputé à cette époque pour ses mélodies caoutchouteuses sur des poètes célèbres, mais qui sombra très vite dans un oubli total et reconnaissant. Jehan Rictus (1867-1933) le décrit ainsi à la fin de sa vie : "l'air de plus en plus d'une vieille merde et qui articule de moins en moins de sorte qu'on ne comprend pas ou peu ce qu'il dit". Fabre est mort à l'asile ayant sombré dans la démence.
Couverture pour les Sonatines Sentimentales de Gabriel Fabre, 1894.
Theo van Rysselberghe. Portrait d'Alexandre
Charpentier. Dessin, 1895.
En 1899, il réalise avec Tony Selmersheim, une pendule radicalement Art Nouveau, La Fuite de L'Heure. Antony Selmersheim (dit Tony, 1871-1971), fut un désigner et aussi un des initiateurs de la fabrication mécanique des meubles à la fin du XIXème siècle. Ce qui ne l'empêche pas de faire des ensembles d'un très grand luxe pour une riche clientèle, comme dans la Villa Cochet dont je reparlerai.
La sculpture et les ornements de bronze dorée de la pendule sont de Charpentier alors que l'ébenisterie est signée Selmersheim.
On peut estimer que c'est pendant les dix dernières années de sa vie qu'Alexandre Charpentier a fait l'essentiel de son œuvre d'ébéniste. Tous les historiens s'accordent à reconnaître que son chef d'œuvre est la salle à manger qu'il a conçu entre 1900 et 1901 pour le banquier Adrien Bénart (1846-1912), un des promoteurs du Métro de Paris. Elle était destinée à sa propriété de Champrosay dans l'Essonne.
La Villa Georges-Laure a été construite au milieu du XIXème siècle dans un style néo-classique vaguement italianisant. Lorsque Adrien Bénart l'acquiert, il fait ajouter deux ailes aux toits en terrasse.
Villa Georges-Laure, état actuel.
Fervent admirateur de Guimard et de l'Art Nouveau, Adrien Bénart invite de très grands artistes à participer à la rénovation de l'intérieur. Il subsiste actuellement les boiseries du salon dans la propriété.
Salon de la Villa Georges-Laure, état actuel.
C'était la salle à manger qui constituait le sommet du réaménagement. Une photo d'époque la montre dans son état d'origine.
L'ensemble des boiseries et le mobilier ont été démontés et sont actuellement au Musée d'Orsay. Seules les douze chaises ont totalement et inexplicablement disparu.
Vue d'ensemble de la salle à manger.
La desserte.
La fontaine.
Charpentier était violoncelliste. C'est pour ranger des instruments à cordes qu'il a créer cette surprenante Armoire à quatuor.
Armoire à quatuor. Vues d'ensemble. 1901
Sur la seconde photo, on aperçoit le pupitre créé
aussi par Charpentier.
Les quatre panneaux en bronze doré représentent les quatre instruments du quatuor.
L'Alto. Plâtre d'origine.
L'Alto. Panneau en bronze doré.
Le Violoncelle. Panneau en bronze doré.
Photographie d'Alexandre Charpentier dans
son atelier en 1907.
Il obtient le Grand Prix de l'Exposition Universelle de Paris en 1900. Il meurt à Neuilly en 1909.
Trois peintres sont intervenus dans le décoration de la Villa Majorelle : Francis Jourdain, Henri Royer et Victor Prouvé.
Francis Jourdain a eu un destin assez surprenant. Fils de l'architecte Frantz Jourdain (1847-1935), il nait en 1876 dans un milieu privilégié par ses contacts artistiques et littéraires. Il commence sa carrière dans le style Art Nouveau.
Les Cygnes, lithographie. L'Estampe Moderne, 1898.
Le Peintre et Son Modèle. Huile sur toile.
En collaboration avec Jérôme Massier.
Grande Jardinière. Céramique à irisations.
Il subit une très grande influence de la part d'Adolf Loos, ce qui le pousse à abandonner très vite l'esthétique de l'Art Nouveau. Il se rapproche alors des Nabis, puis des Fauves.
Nature morte. Huile sur toile.
A partir de 1912, il abandonne la peinture pour créer du mobilier et des objets d'art décoratif à bon marché dans une esthétique dépouillée.
Photographie de 1913 montrant le salon de Francis Jourdain.
Entre les deux-guerres, il se rapproche de plus en plus du Parti Communiste, en adhérant, notamment, en 1932 à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires avec Gide et Aragon.
Pourchassé par la Gestapo durant l'Occupation, il devient membre du PC après la Libération puis président du Secours Populaire Français. Il écrit de nombreuses études sur les peintres qu'il a rencontré au cours de sa longue vie. Il meurt à Paris en 1958.
Henri Royer, n'est plus guère connu aujourd'hui. Ce nancéien, né en 1869, fréquentera les Beaux-Arts puis à partir de 1890 l'Académie Julian. La même année, il expose au Salon. Il voyage en Europe et en Amérique. Il est assez connu, à l'époque, pour ses portraits et ses paysages.
Jeune fille. Huile sur toile, 1897.
L'Atelier. Huile sur toile, 1899.
Chemin. Huile sur toile.
Royer a fait de très longs séjours en Bretagne, région qu'il appréciait pour ses légendes (il apprendra le breton) et son catholicisme fervent. Malheureusement, son art s'est figé à la fin du XIXème siècle et même des toiles des années 30 répondent à une esthétique académique.
Ex-Voto. Huile sur toile, 1898.
La Clairière aux Légendes. Huile sur toile.
Une jeune îlienne de l'île de Sein. Huile sur toile, 1906.
Henri Royer est mort à Paris en 1938.
Victor Prouvé est beaucoup plus connu. Il est né à Nancy en 1858 et à fait ses études aux Beaux-Arts de Nancy, puis de Paris. Il se lie avec tous les grands de l'Ecole de Nancy et dessine des verrières et des vases pour Gallé mais aussi pour Daum et des décors de meubles pour Majorelle ou Vallin. En même temps, Prouvé est un portraitiste de grand talent, comme le montre ce portrait d'Emile Gallé.
Portrait d'Emile Gallé. Huile sur toile, 1893.
En collaboration avec Camille Martin (1861-1898).
La Parure. Bronze et cuir, 1894.
En collaboration avec les frères Mougins. Vase Aubergine.
Bronze patiné et grès émaillé.
En collaboration avec Emile Gallé et Louis Hestaux (1858-1919). Jardinière Flora Marina Flora Exotica. 1898.
En collaboration avec Emile Gallé. Vase Les Hommes
Noirs, 1900.
En collaboration avec Eugène Vallin (1856-1922). Salle à
manger de l'architecte Charles Masson. 1903-1906.
Détail de la cheminée.
Le buffet.
Touche-à-tout, Prouvé s'initie aussi à la reliure avec René Wiener (1855-1939).
Néanmoins, la peinture et la sculpture restent ses centres d'intérêt. Tout au long de sa vie, il aura des commandes officielles. Il deviendra président de l'Ecole de Nancy en 1904 et sera directeur des Beaux-Arts de Nancy de 1919 à 1940.
Photographie de Victor Prouvé dans son atelier, vers 1895.
Salammbô. Huile sur toile, 1881.
La Nuit. Bronze, 1895.
Les Voluptueux. Huile sur toile, 1889.
Portrait d'homme. Crayon et réhauts de gouache blanche.
L'Ile Heureuse. Huile sur toile, 1902.
La Joie de Vivre. Huile sur toile, 1904.
Mr et Mme Corbin. Huile sur toile, 1906.
Le Coup de Vent. Tanagra.
Décoration pour la façade de la Maison du
Peuple de Nancy, 1902.
Photographie de Victor Prouvé vers 1910.
Victor Prouvé adorait l'Afrique du nord et se rendait souvent en Tunisie. Il est mort en 1943 à Sétif en Algérie.
Victor Prouvé a été sans aucun doute, un des plus grands artistes de cette période. On ne peut que regretter que la postérité ne lui ait pas rendu un plus grand hommage.
Une visite de la Villa Majorelle
Sur cette partie de la façade on peut remarquer plusieurs éléments. Les baies sont ornés de verrières de Jacques Grüber. Elles correspondent à la montée d'escalier. Entre les baies et en plusieurs points de la façade, on peut admirer les ornements en grès cérame d'Alexandre Bigot. Le garde-corps et l'auvent qui protège la porte sur l'aile gauche ont été dessinés par Henri Sauvage.
Détails des ornements en grès cérame d'Alexandre Bigot.
Détails de l'auvent dessiné par Henri Sauvage.
Détails des ornements en fer forgé à motifs végétaux (Monnaie du Pape) de la porte, dessinés par Henri Sauvage.
Vue intérieure de la verrière de la petite baie de l'escalier.
Vue intérieure de la partie inférieure de la grande baie avec ses décors de Monnaie du Pape.
L'atelier de Majorelle et son balcon en bois.
La balustrade en grès cérame imaginée par Alexandre Bigot est un véritable chef-d'œuvre.
Sur les murs, il reste des traces de fresques dues certainement à Henri Royer. Elles sont malheureusement très effacées.
Façade arrière. La série des baies du rez-de-chaussée
correspond à la salle à manger.
Plan du rez-de-chaussée de la Villa Majorelle.
A l'intérieure de la maison, l'escalier a été construit par Alexandre Charpentier. En bas de l'escalier, trône un meuble-bibliothèque imaginé par Majorelle en 1904.
A l'étage, le décor de la cage d'escalier est constituée par la charpente apparente. Entre les solives, Henri Royer et/ou Francis Jourdain ont peint une ornementation florale.
Le salon a totalement perdu son mobilier. Il reste la cheminée d'Alexandre Charpentier, Alexandre Bigot et Jacques Grüber.
Détails de l'ornementation peinte et des verrières du salon.
Une photo d'époque témoigne de la somptuosité du décor d'origine. Comme dans toute la maison, les meubles étaient de Louis Majorelle et de Victor Prouvé.
La pièce la plus étonnante est sans aucun doute la cheminée de la salle à manger, conçue par Alexandre Bigot.
La partie supérieure des baies de la salle à manger est ornée de verrières de Jacques Grüber.
Une photo d'époque nous montre la salle à manger telle qu'elle se présentait. Le buffet était de la série Les Blés, modèle riche, produit par Majorelle.
On a reconstitué au Musée de l'Ecole de Nancy la chambre imaginée par Louis Majorelle pour sa villa.
la Villa Majorelle est la première maison construite entièrement en style Art Nouveau. Outre qu'elle est une œuvre d'art totale, elle fût aussi un signal pour tous les artistes qui visaient à un renouvellement des arts décoratifs vers 1900.
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