Antoine Lumière est surtout connu aujourd'hui pour être le père des Frères Lumières. On sait moins qu'une fois fortune faite, Antoine Lumière, fut pris d'une sorte de furie de construction qui mit en péril jusqu'à la Société Lumière. Il reste de nombreux témoins de cette activité de bâtisseur, même s'ils sont parfois très défigurés.
Antoine Lumière est né en 1857. Peintre d'enseigne à Paris, il n'arrive pas à se mettre à son compte. Il s'installe à Besançon avec son épouse en 1862.
La maison d'Antoine Lumière à Besançon vers 1950.
C'est dans cette maison que naissent Auguste en 1862 et Louis en 1864. Suite à la Guerre de 70, la famille quitte Besançon et s'installe à Lyon.
Photographie d'Antoine Lumière en 1872.
Il s'installe comme photographe mais s'intéresse bientôt à la photographie au format carte de visite qui est un peu l'ancêtre du photomaton. Ces photographies de petites tailles à faible coût, ont un grand succès et lui permettent d'atteindre un certaine aisance. Il est un des premiers à faire des portraits à la lumière électrique dès 1879. En collaboration avec Louis, qui n'a que 15 ans, il améliore les plaques photographiques qui deviennent plus pratiques.
Antoine Lumière devient alors un industriel de la photographie. La Société Antoine Lumière et fils est fondée en 1884. C'est la fortune. Dès lors, les Lumières vont se lancer dans un somptueux programme de construction.
En premier lieu, Antoine Lumière achète un grand domaine à La Ciotat, le Clos des Plages. Il y fait construite une immense villa baptisé Château dans un style assez vaguement toscan, hybride et néo… La bâtisse est achevée en 1893. Soyons clairs, bien qu'Antoine fût peintre amateur — il fait installer trois ateliers dans son château de La Ciotat — le goût des Lumières est celui des grands bourgeois de l'époque peu sensibles aux nouveaux courants architecturaux.
Photographie d'Antoine Lumière et ses fils.
Photographies d'époque de l'extérieur du
Château du Clos des Plages.
Comme on le voit sur la seconde photographie, Lumière fait planter des vignes et organise des vendanges.
Les vendanges. Autochrome Lumière. Vers 1900.
Un parc somptueux, ornées de statues et d'une pièce d'eau, entoure le château.
Photographie d'époque.
L'intérieur est meublée avec ostentation en néo-baroque à grand renforts de soieries lyonnaises et de grands lustres.
Photographies d'époque du Grand Salon.
Une chambre.
La véranda.
Ensuite la propriété a eu une histoire chaotique. Transformée en hôtel de luxe après la Guerre de 14, elle est sérieusement bétonnée et la façade perd tout intérêt bricolée en style Art Déco bien lourd. Loti en appartements, le château a perdu sa décoration et le parc a été laissé à l'abandon.
Le Golf Hôtel dans les années 30.
L'extérieur de la propriété vers 1995.
Le parc vers 1995.
Le grand salon vers 1995.
En 1890, Antoine Lumière achète un certain nombre de propriétés à Amphion et à Evian. A Evian même, il achète une villa dont les travaux ont commencés sousvla direction de l'architecte Molle en 1885 et se sont arrêtés à la mort du commanditaire en 1887. Les travaux reprennent sous la direction de deux architectes genevois Antoine Charhe et Paul Pélissier sur lesquels je n'ai trouvé aucune information. Les travaux trainent en longueur et en 1896, le cabinet d'architecture Chevalier trace de nouveaux plans visant essentiellement à la grandeur, voire la grandiloquence. La Villa Lumière est devenue l'Hôtel de Ville d'Evian depuis 1927.
Villa Lumière, Evian. Vue de la façade.
Du côté de la rue, le grandiose portail d'entrée est ornée de deux Atlantes, copies de Atlantes de Pierre Puget (1610-1694), le seul grand sculpteur et peintre baroque français, sur la façade de l'ancienne mairie de Toulon (1656). Ces copies ont été exécutées par Félix Devaux (1873-1921), sculpteur avignonnais, spécialisé dans les monuments funéraires. On remarquera, cependant, un certain nombre de différences entre les deux versions.
Les Atlantes de Pierre Puget, Toulon. 1656.
Les copies de Devaux sur la Villa Lumière, Evian. 1896.
Un autre portail de style baroque est ornée d'une tête de lion (allusion au siège de la Société Lumière et Fils) et de deux cartouches ornés des initiales A L (Antoine Lumière).
Les parties les plus remarquables de l'intérieur sont le hall d'entrée et la cage d'escalier, dessinée par Pélissier. Le hall d'entrée est décorée de bas-reliefs d'inspiration antique.
La rampe d'escalier est amorcée par une magnifique lionne en bronze, prête à bondir.
La cage d'escalier est ornée de peinture de fleurs et de paysages. L'un deux représente le Château du Clos de la Plage à La Ciotat. Le lustre en bronze et tulipes de verre est typiquement Art Nouveau.
La salle de réception de la mairie correspond au salon de la villa. La pièce a gardé en grande partie son somptueux décor néo-rococo en bois doré et lourdes tentures de soie jaune.
Un autre témoignage important de l'activité de bâtisseur d'Antoine Lumières est le Château Lumière dans le quartier de Monplaisir à Lyon. En 1882, Antoine avait acheté un terrain sur lequel il installa une usine de pellicule. Au cours du temps, cette usine s'agrandit pour devenir la plus grande d'Europe consacrée à la photographie. C'est là qu'est tournée le film, La sortie des usines Lumière en 1895. Les usines sont fermées dans les années 50 et, en grande partie, rasées dans les années 70.
La sortie des usines Lumière. 1895.
Sur un terrain jouxtant les usines, Antoine Lumière va faire bâtir une somptueuse maison à partir de 1899. par les architectes Alex et Boucher (je n'ai aucune information les concernant). Avant l'ouverture de la Fondation Lumière et du musée, dans ma jeunesse, on voyait l'énorme masse du château aux volets de fer fermés dominant la place Ambroise Courtois comme une sorte de maison hantée.
Le Château Lumières de Lyon est la construction d'Antoine Lumière où l'influence de l'Art Nouveau est la plus présente, notamment dans le Jardin d'Hiver.
Vue aérienne du Château et des usines vers 1920.
Vue générale sur la place Ambroise Courtois.
Détail de la façade sur la place.
Vues sur le jardin.
Détails des toits.
Vues extérieures du Jardin d'Hiver.
L'intérieur du Jardin d'Hiver.
L'escalier avec sa rampe ornée d'un coq, allusion au fait que l'oiseau annonce l'arrivée de la lumière.
La cheminée du salon.
Le Château Lumière sera achevé en 1902, mais auparavant, les dépenses somptuaires d'Antoine Lumière risquant de mettre en difficulté la pérennité de l'entreprise, le conseil d'administration de la Société Antoine Lumière et Fils lui aura demandée de se retirer. La société est dirigée par Louis et Auguste Lumière dès 1900. Antoine Lumière se consacre désormais à la peinture jusqu'en 1911, année de sa mort. Il s'est fait construire un atelier au Cap Roux dans L'Esterel.
Antoine Lumière. Les rochers près d'Agay.
Huile sur toile, 1910.
En 1902, les finances étant rétablies, Auguste Lumière se fait construire une villa au Cap d'Ail, non loin de Monaco.
La villa a changée de physionomie car le dernier étage a été ajouté postérieurement. Auparavant les deux pavillons d'angle sur trompe se détachaient plus. En revanche, l'escalier en fer à cheval est resté en l'état.
Photographie du domaine dans son état originel vers 1905.
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