Le paon est avec le cygne, l'oiseau qui est le plus utilisé par les artistes, soit seul, comme motif décoratif, soit avec la femme, pour en réhausser l'élégance. C'est le cas d'Edgar Maxence (1871-1954), qui reprend le style du profil de la Renaissance Italienne sur fond de paysage idéalisé pour son "Profil au paon" en 1896.
Peut-être faut-il rapprocher la robe et la coiffure de cette belle jeune fille, de ce manchon en plume de paon datant du Second Empire.
Une estampe célèbre de Louis-John Rhead (1857-1926), "La femme au paon", parue en 1897, superpose à la longue traîne de la robe de la femme, les longues plumes du paon.
L'orfèvre et sculpteur belge Philip Wolfers (1858-1929), exécute de nombreux bijoux dont cette femme nue parée des plumes de l'oiseau d'Argus.
Dans le Tableau de Gaston Bussière (1862-1928), "Hélène de Troie", qui représente la reine de Sparte, Celle-ci porte un diadème orné de plumes de paon dont les couleurs font écho à celle de la robe. On peut penser que les plumes de paon permettent d'assimiler Hélène à Junon, dont c'est l'oiseau symbolique.
Junon et le paon est du reste le sujet de la gravure de l'artiste anglais Walter Crane (1845-1915), que celui-ci exécute en 1887. Elle a pour titre "La complainte du paon". L'oiseau se plaint auprès de la déesse de ne pas avoir la voix du rossignol. La moralité est la suivante : "Ne vous brouillez pas avec la nature".
La magnifique gravure suivante (1896) reprend exactement le même thème. Elle est due a l'affichiste américain Will Bradley (1868-1962). On admirera la qualité esthétique du mouvement de l'oiseau qui s'insère dans la végétation serpentine.
L'américain James Allen St-John (1872-1957) a été illustrateur de magazine avant d'être célèbre pour ses illustrations des livres de Rice-Burroughs consacré à Tarzan, dans les années 40. Dans cette couverture de Vogue de 1909, St-John reprend le thème de la femme et du paon d'une façon presque académique.
La grande décoration dorée des grands Magasins Ebert construit entre 1902 et 1904 par August Hermann Schmidt (1858-1942) et Arthur Johlige (1857-1937) à Leipzig est une autre variation sur le même thème dans un jugendstil un peu pompeux.
Le seul oiseau est le sujet de l'affiche qu'exécute le belge Gisbert Combaz (1869-1941) pour l'exposition de la "Libre Esthétique" en 1899, en s'inspirant des faïences d'Isnik et de l'art islamique.
Will Bradley publie dans les mêmes années une affiche très proche de la précédente, quoique plus simple dans son exécution.
Un autre illustrateur américain, Albert Angus Turbayne (1866-1940), reprend presque le même thème pour une couverture de livre en 1903, en utilisant de somptueux jaune, orangé et bleu.
En France, une affiche de 1894 pour l'Exposition des Arts Décoratifs de Nancy a déjà utilisé le même thème.
L'artiste allemand Albert Weisgerber (1878-tué en 1915) exécute cette élégante "Danse des jeunes filles autour du paon" en 1902.
Le paon est aussi un motif décoratif prisé par les architectes. On peut voir ici une frise ornant une maison de Munich construite vers 1900.
A Prague, Osvald Polivka (1859-1931) dirige la construction de cet immeuble entre 1903 et 1904.
Une autre frise de paons, en carreaux émaillés cette fois, ornant une maison de Ronchin dans la Métropole lilloise.
Cette devanture en acajou est le reste d'un ensemble beaucoup plus vaste construit à Nancy en 1896. Comme beaucoup de bâtiment de cette époque, il a été détruit. Seules deux travées, ornées de plumes de paon, ont pu être sauvées.
Jules Lavirotte (1864-1929) dans son célèbre et délirant immeuble de l'avenue Rapp (1901) à Paris, a utilisé aussi le thème du paon dans la décoration de la porte d'entrée et dans le cintre des fenêtres.
On ne saurait oublier ici, la fameuse robe paon, que Aubrey Beardsley (1872-1898) fait revêtir à Salomé dans une de ses illustrations pour la pièce de Oscar Wilde (1892).
Rappelons ici une autre célèbre "robe paon" : il s'agit de celle que porta Lady Curzon en 1903 pour le couronnement d'Edouard VII en tant Empereur des Indes à Dehli. C'est la maison Worth qui avait confectionné ce chef-d'œuvre.
L'Art nouveau est indissociable du Symbolisme, même si ce mouvement a débuté plus tôt sous l'influence des "Fleurs du mal" de Baudelaire, mais aussi de ses traduction d'Edgar Allan Poe. Si Stéphane Mallarmé et Paul Verlaine sont les deux figures tutélaires du symbolisme, d'autres poètes comme Jules Laforgue, Jean Moreas, et un dramaturge comme le gantois Maurice Maeterlinck sont des membres éminents de cette école. Les deux décennies 1890-1910 représentent l'apogée et de l'Art Nouveau et du Symbolisme.
Un tableau comme "L'Ecole de Platon" (1896) du belge Jean Delville (1867-1953) est caractéristique à cet égard. Adepte du Sar Péladan, passionné d'ésotérisme, Il nous livre là un paysage idéal, uniquement habités de superbes éphèbes, pour le moins androgynes (l'androgynie fascine les symbolistes), imités de certaines figure de la Renaissance. On est encore dans la mouvance du Préraphaélisme. On remarquera la figure christique de Platon et le fait que les disciples du philosophe soient douze comme les apôtres.
Sur la gauche du tableau, on remarque un superbe paon blanc qui fait écho à la toge immaculée de Platon, le seul protagoniste qui soit vêtu.
Dans la symbolique chrétienne, le paon est une représentation solaire. Dans la symbolique orientale, le paon est symbole de l'incorruptibilité de l'âme et de la dualité entre le physique et le psychique. Or l'ésotérisme de la fin du XIXème est très teinté de mystique orientale, plus ou moins authentique. Rappelons qu'Helena Blavatsky (1831-1891), fondatrice du mouvement théosophique, a publié la "Doctrine secrète" en Belgique en 1888. La blancheur du paon en rappelle la pureté comme est pur de toute bassesse, le message platonicien.
Faut-il voir la même référence chez William Degouve de Nunques (1867-1935), un autre symboliste belge, lorsqu'il représente un calme parc aux étranges arbres ou s'ébattent des paons blancs ?
N'oublions pas le "Paon Blanc" du sulfureux artiste autricchien Franz von Bayros (1866-1924), à l'érotisme languide et à l'inquiétante figure féminine qui n'a plus rien à voir avec la tranquillité de Degouve de Nunques.
Tous les arts décoratifs vont utiliser le motif du paon. C'est la cas, par exemple, de la manufacture Amphora située en Bohème qui fabrique ce vase vers 1910.
Collection personnelle
On peut encore admirer ce magnifique cache pot orné de plumes de paon fabriqué par Emile Decoeur (1876-1953) vers 1900.
Louis Comfort Tiffany (1848-1933), utilise souvent le thème des plumes de paon pour élaborer ses magnifiques vases de verre.
C'est le cas aussi de ce vase de Philip Wolfers, ornée d'ocelles de paon en émail sur cuivre.
Outre Philip Wolfers, un autre joailler va largement s'inspirer du paon pour ses créations : il s'agit de René Lalique (1860-1945).
Cette autre somptueuse création est due à Lucien gaillard (1861-1942).
La somptuosité des couleurs du paon a bien évidemment inspiré les maîtres-verriers de cette période. Le vitrail est en pleine renaissance et a quitté les églises pour envahir les magasins et les intérieurs des riches propriétaires.
Comme exemple, on peut retenir ce vitrail situé en Suisse et daté de 1905.
Un des plus magnifiques est le vitrail du jardin d'hiver de la Villa Bergeret à Nancy construite en 1903 par Lucien Weissenburger (1860-1929). Le vitrail (1905) est du à Joseph Janin (1851-1910). C'est une des plus élégante création de l'Art Nouveau.
Un autre très beau vitrail est celui de la Villa Tasca d'Almerita en Sicile, dont l'auteur est malheureusement inconnu.
L'Art Nouveau est intimement lié à la notion d'art total. Horta ou Van de Velde sont architectes, mais créent aussi des meubles et des services de table. Une maison, un magasin doit être un tout en harmonie.
En 1900, le joailler Georges Fouquet demande à Alfons Mucha de décorer son nouveau magazin, 6 rue Royale. Mucha demande au sculpteur de l'école de Toulouse, Auguste Seysses (1862-1946), d'assurer la décoration sculptée et à Leon Fargues (?) d'exécuter des vitraux. Mucha réalise un chef d'œuvre dont le sommet est le paon sculpté ornée de vitraux.
On peut penser que Mucha a été inspiré par la décoration intérieur du pavillon mauresque que Louis II de Bavière avait fait installé dans le parc du château de Linderhof, après qu'il l'eut acheté lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1867.
On peut aussi supposer que Mucha a été influencé par la fameuse "Peacock Room" que James Abbot McNeil Whistler (1834-1903) organisa pour la maison de Frederick Leyland entre 1876 et 1877.
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RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMerci pour cet article très richement documenté. Je m'intéresse moi-même au sujet. Serait-il possible d'entrer en contact avec vous ? Merci d'avance.