Après la chute du Second Empire, la ville de Lille va se développer grâce au commerce et à l'industrie. Ses vieilles limites qui avaient déjà été étendues en 1858, vont encore l'être en absorbant de nombreuses petites communes souvent toujours rurales. Les grandes familles y avaient souvent des maisons de campagne qui sont rattrapées par l'urbanisation. Il en reste encore quelques unes qui n'ont pas été avalées par la spéculation immobilière. Ce phénomène est particulièrement visible dans l'ouest de la ville.
Plan de Lille vers 1850.
C'est donc à l'ouest que vont s'élever les nouveaux quartiers construits entre 1870 et 1910. Il faut souligner que l'Art Nouveau à Lille est surtout visible dans des maisons construites pour la bourgeoisie petite ou moyenne. Contrairement à ce qui sa passe à Bruxelles, ce n'est pas la haute bourgeoisie, les grands patrons du textile, qui vont faire des commandes. La haute bourgeoisie préfère des bâtiments en forme de châteaux, de style néo-flamand et pour tout dire très ostentatoires.
Le premier de ces lotissements est l'avenue des Lilas. En 1895, un riche bourgeois, Charles Rogez devient propriétaire d'un grand terrain qu'il décide de lotir afin de construire une rue bordée de belles et pittoresques maisons. Deux architecte dirigent la chantier, Emile Vandenberghe (1827) et Léonce Hainez (1866-1916).
Emile Vandenberghe est un vétéran. Il est surtout célèbre pour la construction de la Cité Philanthropique (1861) dans le quartier ouvrier de Wazemmes, qui est sorte de ville idéale pouvant abritée environ 1000 familles ouvrières dans des appartements à loyers modérés présentant d'excellentes qualités d'hygiène. Les restaurations successives ont beaucoup altérées l'aspect des bâtiments.
Carte postale représentant la Cité Philanthropique.
Vers 1900.
Etat actuel de la Cité Philanthropique.
C'est Vandenberghe qui introduit l'idée de la cité-jardin dans le nord de la France, influencé sans doute parce qui se passe dans l'Angleterre voisine.
Léonce Hainez est, au contraire, un tout jeune architecte. Après la construction de l'Avenue des Lilas, il aura de nombreuses commandes. Son œuvre la plus célèbre est l'édification du Théâtre Sébastopol dans des conditions extrêmement contraignantes.
En 1903, le vieil opéra construit par Lequeux au XVIIIème siècle est détruit par un incendie. La municipalité décide de construire un théâtre provisoire de 2000 place, en attendant la reconstruction de l'opéra. Il devra être bâti en moins de 4 mois. C'est le projet de Léonce Hainez qui est retenu. Commencé le 22 juillet 1903, le théâtre est achevé 102 jours plus tard. Il est inauguré le 30 novembre. 109 ans plus tard, il accueille toujours des spectacles. Du provisoire qui dure !
Ce tour de force est construit en briques et en stuc. On voit bien le mode de construction du théâtre sur les faces latérales.
La facade est éclectique mais avec un fort parfum d'Art Nouveau. A une échelle réduite, Hainez s'est librement inspiré de l'Opéra Garnier qui était, à l'époque, le modèle de tous les opéras. Cette façade est très élégante avec sa grande baie, d'un dessin typiquement Art Nouveau, flanquée d'un balcon soutenu par deux atlantes. Cette façade est encadrée par deux pavillons creusés de niches dans lesquelles trônent des bustes de compositeurs. En 1904, Hainez sera nommé architecte général de la ville de Lille.
L'avenue des Lilas a peu changé depuis sa construction, sauf pour 2 ou 3 maisons détruites par un bombardement en 1942. Alors que le quartier où l'îlot est implanté est relativement défavorisé, celui-ci a conservé son caractère propret de cité-jardin bourgeoise. Elle prend son nom définitif en 1897.
Cartes postales montrant l'Avenue des Lilas. Avant 1911.
Photographie récente de l'Avenue des Lilas.
Les styles retenues par les architectes sont très variées. Ils vont du néogothique à l'anglo-normand. L'unité de la rue est maintenue par les matériaux utilisées : brique rouges, briques émaillées et bois teinté en blanc. L'avenue des Lilas est une impasse donnant sur les voies de chemin de fer. L'entrée est marquée par une plaque monumentale.
Petit castel de style néogothique avec son bow-window.
Maisons de style victorien avec leurs bow-windows.
Maison de style Art Nouveau avec un oriel
décorés de vitraux.
Maisons de style anglo-normand.
Maison de style néo-flamand bourgeois.
Maisons inspirées du style néo-gothique flamand.
Villas jumelles de style éclectique.
Le second de ces lotissements est la rue Gounod. Cette voie a été créée en 1903 sous le nom d'avenue Beau-Séjour par la volonté d'une dame de haute bourgoisie industrielle Mme Bonduelle-Lesaffre qui vend par lot un très grand terrain. Le cahier des charges est très précis quant à largeur de la voie, à celle des jardinets qui précèdent chaque maison et à l'élévation des maisons elles-mêmes. La direction des travaux est confiée à l'architecte Armand Lemay (1873-1963). Cet architecte fut un des plus actifs dans la capitale du Nord sur une très longue période, puisqu'en 1960, il était toujours actif. Autant dire qu'il est passé allègrement de l'éclectisme à l'Art Nouveau, de l'Art Nouveau à l'Art Déco et de l'Art Déco au modernisme international.
Contrairement à l'avenue des Lilas, les différentes maisons sont construites par des architectes différents, la plupart assez connu sur la région, mais en respectant une certaine unité. L'avenue Beau-Séjour deviendra la rue Gounod, lorsque la ville de Lille deviendra propriétaire de la rue.
Carte postale représentant la rue Gounod avant
l'achèvement total de la rue. Vers 1908.
Carte postale de la rue Gounod. Vers 1911.
Quelques bâtiments sont particulièrement intéressants, à commencer par les deux pavillons qui marquent l'entrée de la rue avec une certaine emphase. Ils sont bien sûr signés Armand Lemay.
Villa due à Armand Lemay.
Villa due à l'architecte Dehaut.
La villa Orphée due à Armand Lemay.
Trois villas sans nom d'architecte.
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